Comme tu as ouvert une section « film »sur ton forum, je me permets de te livrer quelques réflexions sur « L’homme bicentenaire ». Cela vaut ce que cela vaut. Je ne cherche nullement à imposer mes idées, ce sont juste des trucs qui me sont venus à l’esprit. Je précise que je ne fais pas de propagande « américanisante ». De plus, je ne cherche pas de polémique, quelle quelle soit. Voilà qui est dit. Bonne lecture.
L’homme bicentenaire est un film qui m’a touchée à plus d’un titre.
Certes, il y a l’histoire d’un amour infini, éternel qui se développe au fil des décennies et trouve enfin sa consécration entre le robot et la petite fille de « Petite Fille ».
Le thème de la quête est lui-même passionnant et l’on chemine à côté du personnage principal avec le souhait évident qu’il parvienne à exhausser son vœu.
La musique douce et adaptée à la perfection au déroulement de l’intrigue permet une immersion de tous les sens dans ce conte moderne.
Cependant, il demeure , au-delà de toutes ces images, des sentiments qui ne cessent de s’agiter, de croître, des questions aux allures de réponses et des réponses à l’arrière goût de questions.
Ce film est un agite cœur, un remue méninges. Il exige d’aller plus loin.
Ainsi, ne peut-il être perçu comme une illustration du mode de pensée américaine type. ? Le « rêve américain » dans toute son évidence…Mais en quoi ?
Certaines sociétés n’exigent rien de leurs ressortissants, distribuant, accordant, sans demander un minimum de volonté d’intégration à leur mode de pensée, de vie, …Des sociétés de droits sans devoirs. Quel prix accorder alors à ce que l’on obtient sans rien faire ? Le robot se serait-il autant acharné à prouver son humanité dans une société où cette étiquette d’humain lui aurait été attribuée comme on distribue des prospectus, tous les lundis, dans les boîtes aux lettres ?
Les américains, eux, n’ont pas le même raisonnement, ni la même attitude laxiste. Ils veulent un engagement, des preuves de bonne foi, de volonté de faire partie de leur pays pour le servir, le construire, l’honorer. Ceux qui veulent y entrer et y demeurer doivent donc attendre, faire leurs preuves pendant des années et, leurs actes faisant foi, ils obtiennent alors le droit d’intégrer une société devant laquelle ils prêtent serment. Il y a donc un engagement de faits, de cœur, d’actes. Tous les reçus ne seront pas forcément sincères, mais il y a au moins eu un effort de leur part.
Ce système social est bien reproduit dans le film.
En effet, le robot veut faire partie des humains. Pour ce faire, et suivant le modèle américain, il doit attendre, faire ses preuves, passer devant des commissions, expliquer son cas, plaider, argumenter. Il donne des gages de sa volonté de devenir humain, en intégrant ses modes de pensée, de vie, en travaillant, en gagnant sa vie, en acquérant un visage, des expressions, un corps, des émotions … qui le font se fondre dans l’univers qu’il veut rejoindre. Il va jusqu’à « s’inoculer » la lente désagrégation de la vieillesse et se donner le devoir de mourir comme un humain pour lui ressembler le plus possible. Enfin, pour honorer ce monde qu’il aime, il lui offre le génie de ses créations, accordant aux hommes un peu plus de temps à vivre, leur accordant des miettes de ce temps d’existence si long, si long, et dont lui, robot, disposait à profusion. Tant de preuves données, tant de temps dispensé, du temps qu’il a à revendre, certes, mais qu’il ne gâche pas, au contraire, qu’il consacre à ce monde des hommes qu’il espère intégrer…. ! Si ce robot là ne mérite pas d’être fait homme, c’est à y perdre son humanité ! C’est ce que les êtres dits humains dans le film admettront, un peu tardivement, en lui accordant le titre –posthume- d’HOMME bicentenaire.
Il a gagné sa carte verte, de séjour permanent, d’homme à part entière.
Cela amène alors à une pensée plus « philosophique » : celle de l’humanité de l’être. Peut-on devenir (et comment ?) un être humain ?
Le film semble laisser entendre que le fait de renoncer à son immortalité confère au robot une certaine part d’humanité.
Tout d’abord, il n’est pas immortel puisque son système positronique viendra un jour à cesser de fonctionner. Il n’a donc qu’un peu plus de temps d’accordé, mais il est mortel, périssable. Donc plus humain ? Non, car ses semblables, rencontrés au long du film, n’ont rien d’humain : ils ne sont que des machines qui cesseront un jour de fonctionner.
Son savoir acquis, son désir de coller au plus près à la physionomie humaine ne sont pas non plus suffisants.
Alors pourquoi le trouve-t-on aussi humain, pourquoi ressent-on une telle communion avec ce robot qui veut être homme ?
Je crois qu’en réalité, s’il nous touche autant, nous, auto-baptisés humains, c’est parce qu’il nous renvoie l’image de ce que nous devrions être, la quintessence même de l’humanité : il a acquis les qualités humaines, mais l’humanité de l’homme qui lui fait défaut n’a rien perverti en lui. Les qualités restent des qualités : la bonté, la compassion, l’amour, le respect, l’élégance de cœur, de gestes, de pensée… tout demeure intact, avec le temps. Rien ne vient vicier ces trésors qui sont le propre de l’homme mais que la face obscure de l’individu s’amuse à corrompre. Il est la part de lumière, sans mesquinerie, envie, jalousie, méchanceté, perversion, cruauté, désir de pouvoir, de domination, de destruction…. Il est l’homme de l’Eden, d’avant la punition finale. Il est l’agneau et sa pureté nous lave un temps de nos pêchés.
Si l’homme l’accepte dans son sérail, ce n’est pas parce qu’il est parvenu à ressembler à l’homme, mais parce que les hommes aimeraient bien lui ressembler. En le faisant leur, ils tentent inconsciemment de bénéficier d’un peu de sa lumière, de croire qu’eux aussi sont à son image. Ce n’est qu’un leurre.
Non, je ne crois pas que le robot du film puisse porter le nom d’homme. Nous ne le méritons pas.
Par contre, il serait bon que l’homme prenne modèle sur lui afin de gagner un peu de cette humanité qui ne semble pas innée comme nous le croyons, mais qui s’acquière, se cultive, se mérite et se gagne après une vie qui lui est consacrée.
Allez, homme, le devoir d’être humain attend que tu retrousses les manches de ta bonne volonté. Dieu reconnaîtra les siens aux cals qui orneront leurs mains, leur cœur et leur âme !